Monsieur Antoine

Film en cours
Réalisateur : Sebastiano D'Ayala Valva
Durée : 80 min
Année de production : en cours
Soutiens : CNC, ProcirepAngoa, Media Creative Europe
Co-producteur : Vision House
La vie d’Antoine est éminemment énigmatique. Mais ce dont je suis maintenant convaincu, après plusieurs années d’enquête, c’est que ce personnage agit comme un « vortex », un aimant sur ceux qui l’approchent et se laissent entraîner dans le sillage de sa vie exubérante. Cette trace laissée par le « Maître de la Coiffure moderne » est semée d’énigmes non résolues, de personnages aux intérêts parfois douteux, d’héritiers, réels ou supposés, aux intérêts et aux motivations contradictoires. Tous ces personnages ont en commun leur fascination pour Antoine et petit à petit c’est moi aussi, en tant que cinéaste, qui me laisse entraîner dans cette danse et y invite le spectateur à mesure que la narration avance. Mon film, en effet, percera ces énigmes à mesure que je le tournerai. C’est ce qui en fera le piment et la dynamique de narration. Le traitement qui suit se veut la plus fidèle retranscription de ce que je crois avoir cerné du personnage d’Antoine à ce jour.
Pitché à Doc Lisboa

Synopsis

Un jour, alors qu'il n’a que huit ans, un garçon nommé Antek décide de coiffer sa petite sœur Salomé, car il trouve sa coupe peu harmonieuse. Afin de fixer ces boucles blondes, il utilise un pot de miel, créant sans le savoir le premier fixateur. Ce fut la première coupe de cheveux réalisée par Antoni Cierplikowski, fils de paysans de la petite ville polonaise de Sieradz, qui allait bientôt devenir « Monsieur Antoine », le pionnier de la coiffure moderne et l’un des artistes les plus célèbres de son temps… Arrivé à Paris à l'âge de 17 ans, son ascension est, en effet, fulgurante. Il invente toutes les techniques de la coiffure, ouvre des salons dans le monde entier et crée un empire commercial qui à son apogée s'étendra de la France aux États-Unis, en passant par l'Australie et le Japon. Mais c'est surtout dans le monde du spectacle que son art trouve sa plus haute expression. Un geste prime sur les autres : le moment où il a "rajeuni" une des plus grandes vedettes de théâtre de son temps, Eve Lavallière, en lui coupant les cheveux « à la garçonne ». Nous sommes alors en 1909 et cette coupe de cheveux est une première.

Par ce geste précurseur, Antoine remet en cause l’image traditionnelle de la femme et fait fureur. Devenu le coiffeur des plus grandes célébrités de son temps, c'est par le biais du cinéma que cette coupe fera le tour du monde et brisera tous les codes de beauté, contribuant à créer l’image de la femme moderne, à l'instar de la « Loulou » de Louise Brooks. La liste de ses clientes entre les années 1920 et 1960 est un défilé de stars et de personnalités de premier ordre : de Édith Piaf à Brigitte Bardot, en passant par Sarah Bernhardt, Marlène Dietrich, Greta Garbo, Joséphine Baker… jusqu’à la first lady des États-Unis Eleanor Roosevelt, qu'il convainquit personnellement d’adopter la coupe courte. Le succès d'Antoine est à la mesure de son excentricité. Tel un acteur de cinéma, il se met constamment en scène, mêlant le réel à l'imaginaire, mais sans jamais se laisser réellement connaître. À Paris, il organise des fêtes costumées spectaculaires lors desquelles il se déguise en Louis XIV. À ces occasions, des mannequins qu'il surnomme les « Antoinettes » arborent ses dernières coiffures. C’est le même défilé de célébrités parmi ses amis : Jean Cocteau, Arthur Rubinstein, Salvador Dali, sa femme Gala... Pablo Picasso, Van Dongen... Il se fait construire des demeures fastueuses où il vit avec sa femme, Berthe Astier, tout en enchaînant des relations - soigneusement cachées - avec des hommes.

C’est seulement aux États-Unis, où il vivra sans sa femme pendant toute la durée de la seconde guerre mondiale, qu’il s’autorisera à vivre sa sexualité en toute liberté. Il fait construire l'immeuble qu’on peut encore aujourd’hui admirer au numéro 1 de l'avenue Paul Doumer, face au Trocadéro et en fait sa résidence principale. Il y fait installer un orgue blanc et y invite des musiciens pour y jouer à l’occasion de ses extravagantes réceptions qui accueillent le Tout-Paris. Parmi eux, le célèbre organiste Jean Guillou, dont Antoine aurait été éperdument amoureux. C'est Antoine – en véritable mécène - qui lancera la carrière de ce dernier, comme celle de beaucoup d'autres artistes de son époque.

Obsédé par l'idée de sa propre mort, il dort dans un lit de verre en forme de cercueil et se fait construire non pas une, mais deux tombes, des décennies avant sa mort… Mais au milieu des années 1960, quelque chose se fissure. Antoine laisse le champ libre à ses disciples, notamment le légendaire Monsieur Alexandre, et – sans désigner de successeur – il décide mystérieusement de retourner dans sa Pologne natale où il sombre petit à petit dans l'oubli. Dans cet exil volontaire, il ne cessera pas pour autant de se mettre en scène : il se fait photographier en moine et ira jusqu'à organiser une répétition générale de son propre enterrement, une fanfare jouant la Marche Funèbre de Chopin avec, pour figurants, les habitants de sa ville de naissance : Sieradz. Tout cela sous l'œil des caméras.

Aujourd'hui, Monsieur Antoine a été oublié. Son empire s'est volatilisé, à l’image de sa célébrité. Il n'existe pas de compagnie ou de marque portant son nom. Ses dizaines de salons de coiffure ont changé de nom. Antoine n'est pas mentionné dans les écoles de mode françaises. Aucun de ses produits de beauté n’est plus en circulation. Pis, personne ne sait qui a été « Antoine de Paris »... à l'exception d'une poignée de personnes, dont deux ou trois coiffeurs qui encore aujourd'hui font régulièrement le chemin pour déposer, en toute discrétion et comme un ultime hommage au Maître, des peignes sur ses deux tombes : celle de Pologne, qui contient son corps, celle de Paris, où repose désormais sa main droite. Cette main qui coiffa le monde entier et que son meilleur élève, Alexandre de Paris, ne pouvait accepter qu’elle ne reposât à Paris.

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